lundi 7 octobre 2013

Le Départ.


                                  Le Départ

Tableau Impressionniste : « Le Train dans la Neige » de Claude MONET
Il fait gris ce matin là. La neige, partout, comme si un peintre eut enlevé toutes les couleurs de sa toile. Je reste sans bouger sur le quai. Le train est prêt à partir.

Je me souviens très bien encore, de ce jour là. J’avais à peine six ans. Mon frère m’avait amené voir le « spectacle » du départ des trains. J’étais stupéfaite ! Je n’avais jamais vu quelque chose d’aussi incroyable : des boîtes roulantes remplies de gens ! J’observais ces gens comme si je venais d’avoir des yeux. Ces gens qui partaient vers l’indépendance, vers cet autre monde qu’on avait tellement envie de connaître. Désormais, on allait, voir les trains, tous les soirs. Un jour, il me parla de nos parents. Il dit « Eux, ils sont partis. En vacances, chez le seigneur ! Ils ont tellement aimé ce manoir qu’ils ont décidé de ne jamais revenir. » J’étais vraiment bouleversée et je me sentis rejetée. Nous deux, on rêvait, un jour, de prendre ce train et de partir. Partir loin. Partir loin de cet enfer où nous ne connaissions personne qui nous aimât.

Maintenant je suis prête. Il ne nous reste qu'à acheter des billets. Je l’attends, mon frère. Pourtant je sais qu’il ne viendra pas. Aujourd’hui je comprends bien cette histoire, alors incompréhensible. Cette fois-ci je suis seule sur ce quai. Le train s’éloigne. Ce bruit, qui était une fois une symphonie de liberté, n’est plus qu’un bruit. Pour la première fois, je sens ce chagrin, cette mélancolie que donnait l’hiver.

Partout autour de moi, des gens. Les gens qui bavardaient, gloussaient et riaient. Au cœur de cette foule je me sens si seule ! Je regarde les gens dans le train qui criaient « bisous » à leurs proches sur le quai, qui se retenaient de pleurer. Les derniers baisers, les derniers câlins, les derniers mots avant de partir.

Partir, ce mot me glaçait le sang. Il me donne toujours cette peur singulière. Cette peur de rencontrer les gens, de m’attacher à eux, de les aimer, parce que de toute façon, la vérité va me gifler : Leur départ. Ils partiront tous, un jour ou l’autre. Alors, je me suis rappelée que je ne connaissais plus personne dans ce monde. La seule personne qui songeait à moi, avait confiance en moi, m’aimait ! Il est parti. Enfin, lui aussi il aimait le « seigneur » plus que moi. Tout le monde m’a quittée ! Qu'avais-je donc fait de si coupable pour mériter ce terrible abandon ? Ou ce bon dieu, était-il si satanique pour me condamner un tel malheur ?

Tandis que toutes ces questions se bousculaient dans ma tête, j'entendis quelqu'un dire « Bravo ! ». J’essuyais les larmes sur mes joues. J’avais pleuré ! Je m'étais tellement identifiée à mon personnage inspirée par la peinture de Monet que pour quelques minutes je m'étais projetée sur ce quai de gare impressionniste. Assis en face de moi, mon éditeur me sortit de mon histoire, ramena mon esprit dans son bureau, où j'étais venue lui présenter ma dernière nouvelle, en s'exclamant «  Bravo ! J’adore ton historiette ! Elle est vachement bien ! Dis donc, tu veux bien la publier ? Le mardi, rubrique « Littérature », ça te dit ? »


                                                                                                      Sruthi

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